Dans le dernier article, encore sous l’emprise fascinante des bruits de la forêt amazonienne (au fait pour celles et ceux équipés de MAC qui n'ont pu entendre ces bruits mystérieux et envoûtants, vous pouvez les télécharger et les écouter en cliquant ici), nous grimpions en haut de la canopée pour en découvrir l’univers secret.
Déjà vue d’avion, elle avait l’allure d’un océan.
Ce qui nous frappait déjà, avant de fouler le sol de l’Amazonie, c’était cette immensité de verdure dense, compacte, ondoyante, paraissant infinie.
Nous voici à présent sur les ponts suspendus aériens qui relient des nacelles d’observation à la cime des arbres…
Nous ne voyons pas souvent le sol trente-cinq mètres plus bas, caché par l’étagement des différentes strates végétales.
Nous sommes ailleurs, dans un autre monde, avec son organisation et sa vie propre.
Monde sauvage, exubérant, mystérieux, grouillant, fourmillant de vie, éden suspendu entre ciel et terre où insectes de toutes sortes, serpents, batraciens, oiseaux, mammifères, vivent en symbiose (parfois cruelle pour celui qui est dévoré par l'autre) dans une sorte d’harmonie qui vous happe, vous émerveille.
Nous avions déjà vu un paresseux en débarquant de notre pirogue à notre arrivée sur notre lieu de séjour, mais notre première rencontre avec les singes dans les feuillages de la canopée fut un moment inoubliable bien différent de ce qu’on peut éprouver dans un parc zoologique aussi beau et aménagé soit-il.
Cette émouvante rencontre avec la vie sauvage fit passer au second plan l’un de nos principaux objectifs picturaux : celui d’une expression de la forêt qui prenne en compte la végétation dans ses effets de couleur et de lumière les plus subtils.
Alors, avant d’entrer dans la fluctuante multitude des verts tropicaux, je n’ai pu résister au désir de dessiner ces agiles silhouettes progressant de branche en branche, presqu’indifférentes à notre présence : ils étaient là, les singes hurleurs qui terrorisaient par leur cri les nuits du Rio Madre de Dios !
Difficiles à voir au début car bien cachés dans la verdure, les grands singes roux à la voix si impressionnante paraissaient si doux, tranquilles et posés par rapport à la ribambelle des petits singes noirs qui s’agitaient autour de nos passerelles en sautant dans les branches, juste avant que nous n’apercevions le premier des singes hurleurs !
Je m’étais attardé pour réaliser vidéos et photos avec l’un des pisteurs qui nous accompagnait en fermant la marche, quand soudain, apparut tout près de nous, dans une trouée végétale, un beau singe roux. Il nous observait attentivement en silence et son regard croisa le mien : étrange, indéfinissable impression de ces yeux presqu’humains qui tout à coup se posaient sur moi, me laissant dans le trouble comme s’ils voulaient m’interroger sur notre présence ici, sur notre irruption dans leur espace vital. Je n’oublierai jamais ce regard étrange, mystérieux, profond, onirique, bouleversant, qui n’avait en fait, rien d’animal.
Un grand frisson me traversa qui me laissa l’étrange vision d’une toile du Douanier Rousseau, le réel devenant à son tour champ d’imaginaire, image à la frontière entre surréalisme et naïveté, réalisme et fantasme, civilisation et sauvagerie. J’y percevais la réminiscence enfantine d’une découverte des puissances primitives de la nature.
Elle était sans aucun doute incarnée dans ce flash d’un tableau du maître si longtemps décrié, parce que l’approche obsessionnelle de ses motifs de prédilection (où une jungle naïve et luxuriante s’insinue dans votre mémoire pour ne plus jamais la quitter), me sautait littéralement à la figure prouvant s’il en était besoin combien la peinture est un pont entre le réel et l’imaginaire, le visible et l’invisible, la nature primitive et l’humanité…
Je n’ai pu traduire en aquarelle ce qui m’avait le plus bouleversé à travers cette vision (à peine eu le sentiment de vaguement m’en approcher), mais il est certain que si je n’avais essayé de le faire, cette image m’aurait poursuivi longtemps comme un message vital à transmettre dont l’action serait restée inachevée.
C’est en repensant bien plus tard à cette rencontre où le vert dominait, que je me suis rendu compte à quel point cette couleur peut exprimer dans la nature (sans seulement qu’on en prenne conscience au premier regard) le mystère, la spiritualité, une dimension de l'inexprimable, de la vie, autant que la multitude des autres couleurs qu’elle contient à travers chacune de ses nuances...
Revenons donc au décor de mon aventure, les feuillages de la canopée :
Si on les observe bien, on perçoit un nombre incroyable de nuances, influencées de surcroit par les valeurs nées des contrastes ombres / lumière et de la découpe des formes de chaque masse végétale bien identifiée.
Ce n’est donc pas seulement du simple jeu de quelques verts qu’il s’agit, mais d’une véritable isochromie, loin du camaïeu que l’on pourrait imaginer au premier regard !
On peut déjà remarquer avant de faire une recherche plus poussée, qu’il est très facile et rapide avec seulement deux ou trois verts différents (pourvu qu’ils s’harmonisent bien ensemble), quelques taches de ces couleurs, le respect équilibré du blanc du papier et un rehaut de graphisme au trait noir fin, de traduite la densité de la forêt, avec une réelle intensité.
Il y a mille façon de réaliser des mélanges de couleurs en aquarelle (rompus, par glacis, en mélange humide sur le papier, etc.) mais pour cette première approche des verts, nous partons de mélange rompus (c'est à dire réalisés sur la palette avant de les poser sur le papier), ce sont les premiers mélanges à savoir faire, techniquement les plus simples aussi (j'ai bien dit sur la palette - sous-entendue propre - et non de demi-godet à demi godet !!!).
Observons à partir de 3 verts tout simples (un "n°1" et deux "n°3", voir explications paragraphes plus bas), le résultat d'un tel exercice terminé :
Peu importe que la forme et l’emplacement des essences végétales ne soit pas ici très bien représentés par rapport à la réalité : ce qui compte en carnet de voyage c’est d’aller vite, de suggérer, de traduire globalement ce que l’on voit ou ressent en se limitant aux informations graphiques suffisantes permettant d’identifier le sujet (du moment qu’on reconnait l’essentiel, pas besoin d’en rajouter) !
C’est à la fin la suggestion des couleurs (si elles sont bien harmonisées), leur rapport au graphisme et les différences de valeurs qui vont créer « l’illusion » de la réalité.
Mais avant de parler « couleur » voyons quels outils utiliser :
- – Avant tout, les pinceaux de voyage : je n’en utilise que 3 (toujours les mêmes), les pinceaux à réservoir Pentel dont la pointe médium convient pour presque tous les travaux.
Il faut pour en maîtriser l’usage apprendre à s’en servir ce qui n’est pas très compliqué, j’explique cela pendant les stages, et c’est un vrai bonheur quand on sait les nettoyer tout en travaillant, les utiliser autant pour enlever du trop d’eau sur le papier que pour en apporter, effectuer des retouches ou des enlevés, jongler avec les pointes, etc., je vous assure qu'on peut avec faire du très bon travail (format "carnet de voyage" A4 maximum s'entend) !
Je rajoute que j’ai toujours un à deux jeux de ces pinceaux d’avance (d’autant plus qu’ils ne sont pas chers) car ils peuvent parfois se boucher ou se perdre ce qui est fort embêtant en voyage (cela permet aussi d’en avoir en rechange sous la main lorsqu’après un an ou deux d’usage intensif ils finissent par s’user, la pointe s’émoussant naturellement comme pour tout pinceau).
- – Un stylo feutre fin noir encre à micro pigments indélébiles pour les rehauts (dessin en fin de travail après séchage des couleurs) de type « Micron 0,3 », ou « Artline 0,2 », ou « Pilot V Ball 0,5 »
- - Enfin les verts, dont voici quelques secrets (étant bien entendu qu’ils sont considérés ici pour des mélanges rompus) :
A - Concernant les verts une chose est certaine, j’en emporte toujours plusieurs en partant en voyage, adaptés chaque fois à la destination voulue.
Mais parmi eux, on retrouve systématiquement deux ou trois verts de base qui ne changent jamais de palette en palette, ce sont : l’or vert, le vert de Hooker et vert Winsor bleu, tous les trois de Winsor et Newton.
Je précise que vous pouvez directement commander (en vous recommandant d’Alain MARC, car je fais toujours remonter mes tests et essais pour améliorer sans cesse les produits) les pinceaux, palettes et tous ces verts pour les avoir dans un très rapide délai et sans perdre du temps à les chercher dans un magasin (ainsi que les autres couleurs que je recommande) chez Aquarelle et pinceaux, un petit site dynamique et familial moins puissant que certains géants du web, mais qui a des promos tout aussi intéressantes, très sympa, et qui mérite d’être encouragé car toujours à votre écoute, et surtout uniquement spécialisé dans les produits pour l’aquarelle (n’oubliez pas de le faire de ma part : plus d’attention encore sera accordée à votre commande, car les responsables du site connaissent mes mélanges de prédilection, ceux que je réussis à tous les coups, et que j’enseigne dans mes stages et cours).
B – le test des couleurs : avant tout, quand vous déballez vos couleurs, faites un nuancier en collant les étiquettes sur une feuille identique à votre papier de travail habituel en créant juste au-dessus un dégradé de la couleur que vous venez de déballer comme dans l’exemple ci-dessous :
Attention, message à l’intention de mes élèves et stagiaires : quand vous réalisez vos nuanciers adoptez les formats papier / échantillons que je vous ai indiqués en niveau 1 et disposez les échantillons sur le papier tels que les couleurs seront ensuite disposées dans la palette, c’est-à-dire dans l’ordre d’associations, complémentarités et de réussite des mélanges (voir les stages aquarelle du Jura Oriental pour le « niveau 1 » : tous les secrets permettant d’avoir des couleurs « qui chantent », splendides et lumineuses).
…Et n’oubliez pas que vous devez apprendre par cœur les couleurs que vous utilisez !
C – Le principe du mélange des verts, jaune + bleu :
Il se fait comme toujours en aquarelle à partir de la couleur la plus claire (selon la méthode de contrôle du mélange qui permet de n’en rater aucun – voir « niveau 1 » idem), mais il faut au préalable savoir parfaitement réussir un vert donné à partir d’un jaune et d’un bleu, c’est la base même de la connaissance des verts (que je nomme justement « bases » une fois les mélanges faits), qu’on expérimente donc en « niveau 1 » lorsqu’on étudie les variations chromatiques autour des binaires et leurs variantes en intermédiaires.
Essayons-en 2 de très simples (les résultats étant « bases vert mélanges 1 et 1A ») qui donnent des teintes différentes (nous en apprenons au moins 4 ou 5 en « niveau 1 ») applicables à une grande catégorie d’arbres (feuillus surtout) et concernant toutes leurs zones ensoleillées (côté lumière).
Ces teintes obtenues pas mélange d’un jaune et d’un bleu sont des « bases » de couleurs auxquelles nous donnons pour les différentier un nom générique fait du chiffre 1 (symbolisant « vert de pleine lumière ») et d’une lettre majuscule choisie dans l’ordre alphabétique selon l’importance et l’usage habituel du vert obtenu.
La maîtrise de ces « bases mélanges » correspondant aux zones éclairées des végétaux (ainsi désignées par le chiffre 1 + une lettre) n’est pas négligeable car c’est à partir de chacune d’elles que s’obtiendra par l’apport ultérieur d’une nouvelle couleur, le vert de la même essence végétale cette fois pour ses ombres (ombres propres), verts que nous désignerons par le chiffre 3 et la même lettre que la base verte de départ (soit « base vert mélange 3 » pour l’ombre de la « base vert mélange 1 », et « base vert mélange 3A » pour l’ombre de la « base vert mélange 1A », qui est le mélange gris-vert fort intéressant ci-dessous).
Le mélange personnel de la « base campanule » est l’apport ultérieur de la nouvelle couleur à rajouter aux verts « n°1 » (ceux des zones à la lumière) pour obtenir les « n°3 » (ceux de l’ombre).
La préparation de la « base campanule », très simple à réaliser, s’apprend en « niveau 1 », tout aquarelliste devrait la connaître parfaitement.
Ne croyez pas que ce soit difficile à comprendre et appliquer : c’est au contraire très facile car basé sur des procédés mnémotechniques qu’il est impossible d’oublier une fois intégrés. Les apprendre fait non seulement gagner énormément de temps sur le motif, mais donne aussi une unité au travail obtenu tout en lui conservant sa vivacité et sa richesse chromatique.
D) - Les mélanges de verts « élaborés » à partir des verts de la palette :
- Pourquoi me direz-vous, avoir des verts tout prêts qui encombrent sa palette, puisqu’on peut les obtenir presque tous par mélange des deux primaires jaune et bleue, dans leurs différentes variantes aquarelle ?
Tout simplement pour gagner encore plus de temps sur le motif, obtenir des nuances plus subtiles, raffinées, plus fidèles aux effets de lumière de la réalité, et mieux adaptées à votre inspiration pour la créativité !
Mais attention, il faut si on veut avoir de magnifiques résultats, bien savoir ceci :
- Ne jamais utiliser pur un vert de la palette (vert du commerce « tout fait »), mais toujours le nuancer par une autre couleur ou un autre vert,
- connaître et savoir parfaitement appliquer les mélanges de base à partir des verts et des bleus étudiés en "niveau 1",
- ne pas s’embarrasser de verts inutiles, par exemple 6 verts différents pour les végétaux de l’Amazonie est largement suffisant, voir lesquels j’ai choisis ci-dessous :
Voici enfin l’un des nombreux mélanges de verts plus subtils destinés aux ombres (série des « mélanges n°3 », il s’agit de la base verte mélange n°3D) pour terminer cette première approche des couleurs avec les verts en mélanges rompus (nous verrons les autres types de mélanges une autre fois, et n’oubliez pas de les commander de ma part à Aquarelle et pinceaux, super promos en ce moment !) :
C’est un très beau vert pour (par exemple), réaliser les ombres des ormes et saules argentés qui se trouvent sur les rives de nombreuses rivières européennes…
Si cette première approche des couleurs avec ces exemples de verts vous a plu, je vous propose dans de futurs articles, avec une nouvelle aventure magnifique (vraiment, vous verrez !), d'aborder la nature des bleus ?
Si oui, ce ne sera pas avant les quelques semaines que je vais à présent consacrer aux stages aquarelle d'été du Jura Oriental...
Alors en attendant, profitez bien de votre été que je vous souhaite radieux, et essayez d'appliquer sur le motif les recommandations de cet article en l'adaptant aux sujets que vous choisirez, et si ça marche bien vous me raconterez, vous me ferez part de vos essais ?